Un héros de campagne


A la sortie de Jaffna sur la route de Kopai, une zone militaire ultrasécurisée, le bus marque un arrêt au milieu d’une plantation de bananes puis repart dans un tourbillon de poussière. De l’autre côté de la route se dresse un petit dispensaire de campagne à peine remarquable. La porte d’entrée donne sur une salle d’attente aérée et fraiche où les villageois attendent en silence. Le dispensaire est plutôt calme ce matin, mais les patients arrivent en flots réguliers, comme  les gouttes d’un robinet mal refermé. Le bureau du docteur Thirunavukarasu est dissimulé derrière un rideau en toile bleu qui filtre la lumière et projette les mouvements du médecin en ombres chinoises. Une silhouette fluette et fugace apparaît puis disparaît sur ce canevas de textile bleu qui raconte le Sri Lanka à lui seul. J’entre.

La tente de Rajavi


Cinq paires de souliers sont alignées sur le rebord de la fenêtre. Mais il n’y a pas de fenêtre. Ni de chaux, de peinture ou de toit. Il n’y a que l’ossature d’une maison qui pourrait être un bel endroit où voir grandir ses enfants. Il y a des espaces vides et à ciel ouvert, des recoins où pourrit la poussière et s’épanouissent les mauvaises herbes. Dans ce qui s’apparente à la pièce commune, les cinq enfants de Rajavi jouent avec la terre humide, la transformant en gâteaux avec des moules récupérés. Deux chaises constituent le seul mobilier de cette famille tamoule catholique. Un petit miroir accroché sur un des murs indique la salle de bain. Le visage abimé de la mère y dépose son emprunte lorsqu’elle se coiffe le matin.