Colombo

C’est l’endroit où vous ne voulez pas être lorsque vous visitez le Sri Lanka pour des raisons touristiques. Tout simplement parce la ville n’a rien de singulier à offrir, à moins de chercher la cohue, la touffeur et l’asphyxie des pots d’échappement. Vous apercevez de temps à autres l’océan Indien mais ça ne va pas plus loin. Ni plage, ni marina, ni jetée qui permettent de profiter tant soit peu de la fraîcheur océanique. Un endroit sort un peu du lot: Galle Face Green, qui tient son nom de l'artère principale de Colombo, Galle Road. Cette promenade au charme sec se situe entre le palais présidentiel et le ministère de la Justice. Un quartier sur haute surveillance où il est interdit de prendre des photos et de stationner plus de cinq minutes. On y croise des couples enlacés sous des parasols multicolores, des écolières courant après les marchands de glaces, quelques baigneurs et, parfois, une bande de jeunes effrontés qui font hurler le moteur de leur motocross sous le regard placide des militaires (...) Voir diaporama
Mais Colombo reste une ville étouffante, perpétuellement en travaux et pauvre culturellement. Malgré ce manque d’attrait, j’y passe beaucoup de temps, trop peut être. Car à l’instar d’autres capitales « c’est ici que tout se passe ». La vie politique d’abord. Le président Mahinda Rajapakse tient un calendrier très serré. C’est un homme qui aime faire parler de lui. On ne peut pas l’oublier. La vie ici est rythmée par son emploi du temps. La visite d’un chef d’état (récemment le président pakistanais), les défilés à la gloire du président (le mois dernier le pays fêtait la réélection de Rajapakse et pour s’assurer d’un carton plein, le gouvernement sri lankais a payé le bus aux habitants de Kandy pour qu’ils viennent en nombre. Des collations les attendaient à Colombo. En retour, ils devaient se tenir dans la foule prêts à agiter leurs mains au passage du convoi présidentiel) chamboulent l’organisation du trafic. Le centre-ville est littéralement bloqué, générant des bouchons monstres. Les points de contrôles militaires, qui poussent comme des champignons après la pluie ces jours-là, arrêtent systématiquement les automobilistes et n’aident en rien au rétablissement de la circulation.
Colombo est également le cœur de la vie diplomatique. Les ambassades, qui ont leurs bureaux en ville, organisent régulièrement réceptions, cocktails et autres pool parties qui sont pour moi l’occasion d’être introduit auprès de personnes de ressources. J’ai ainsi pu rencontrer des ONG qui m’ont parlé ouvertement de leur travail. L’organisation britannique MAG (Mines Advisory Group), pour n’en citer qu’une, spécialisée dans le déminage, m’a réservé un accueil chaleureux, allant jusqu’à me proposer de visiter ses zones d’activités situées dans l’est du pays. J’ai aussi discuté avec le coordinateur de UNDP (United Nation Developement Programme) qui m’a invité à l’appeler une fois que je serai à Jaffna.
Toutefois, dans ce petit monde d’expatriés, on se méfie des mots « journaliste », « reportage » ou « tamouls » lorsqu’ils font leur apparition au coin du buffet. La diplomatie ne souffre pas les vagues. Ce comportement qui peut paraître pusillanime ne relève pourtant pas d’une mauvaise volonté. En parlant avec des personnes avisées, je commence à réaliser à quel point le gouvernement tire toutes les ficelles dans ce pays. Si vous le froissez, vous perdez vos prérogatives. Aussi les humanitaires et les ambassades redoublent de prudence, préférant caresser dans le sens du poil et garder les deux pieds dans le pays. Car la situation peut vriller à tout moment : un jour vous avez les faveurs du gouvernement, le lendemain on vous indique la sortie.
Comme me l’expliquait dernièrement un représentant canadien : « Le gouvernement sri lankais déteste plus que tout la mauvaise publicité. Il préfère refuser obstinément l’accès des zones sensibles aux journalistes que de prendre le moindre risque. Si j’étais vous, lorsque vous irez au ministère de la Défense demander une autorisation pour visiter les camps de déminage, dites-leur que c’est pour parler en bien du pays, des efforts faits pour rétablir une vie paisible dans le pays. Autrement dit, flattez-les. »

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